jeudi 30 octobre 2008

C'est cité!

La crise financière qui sévit actuellement pose plusieurs questions, sur différents niveaux et divers aspects. Le G20 (ce groupe de pays qui représente la quasi totalité du PIB mondial) va se réunir aux Etats-Unis pour examiner les solutions que la communauté internationale compte apporter au système économique mondial. Certains parlent de "refonder le capitalisme", d'autres de "plan de nouvelle gouvernance mondiale" Une réhabilitation de la pensée marxiste est même sugérée... En somme, il s'agit de guérir un malade dont la maladie a pris de court tout le monde.

Ce qui est frappant, par conséquent, pour un néophyte comme l'auteur de ce blog, c'est la cécité qui caractérise les dirigeants et politiques de ce monde. A une époque où le système d'information est le plus performant de tous les temps, où les outils d'observation et de communication sont à un niveau jamais atteint, où les études, les analyses et les prévisions sont disponibles à toutes les échelles, comment se fait-il que rien de ce qui se passe n'ait été entrevu, envisagé, préparé?

Un début de réponse est donné par cet économiste, John Kenneth Galbraith, décédé il y a quelques mois, dans un livre intitulé "Economie hétérodoxe", Seuil, 2007. Le journal "Le Monde" reprend les derniers passages de ce livre dans son édition du 19 ocotbre dont voici le dernier paragraphe:
"En concluant un essai comme celui-ci, nul ne peut espérer échapper à deux questions : quand viendra le prochain grand épisode spéculatif ? et sur quoi portera-t-il - l'immobilier, les titres, les objets d'art, les voitures de collection ? Eh bien, il n'y a pas de réponse. Personne n'en sait rien, et celui qui prétend savoir ne sait pas qu'il ne sait pas. Mais une chose est certaine : il y aura un autre épisode, et d'autres encore après lui. Oui, comme on le dit de longue date, les imbéciles sont tôt ou tard séparés de leur argent. Le sont aussi, hélas, ceux qui, répondant à un climat général d'optimisme, se laissent prendre au sentiment de leur propre flair financier. Il en est ainsi depuis des siècles. Et il en sera ainsi pour longtemps."


dimanche 26 octobre 2008

Deux heures de marche dans Rabat

Quitter l'Avenue (Boulevard?) Fal Oul Oumeir, artère principale du quartier d'Agdal, ses magasins de luxe, de franchises, ses rues encombrées de voitures, sa circulation impossible... Comment ne pas s'interroger sur le retard pris dans l'organisation du stationnement dans ce quartier, où l'anarchie et les risques nés de la gratuité portent plus de tort que le paiement raisonnable du parking...Passer devant le nouveau siège de l'Université, flambant neuf, anticipant sur la prospérité encore hypothètique de l'université marocaine... Pénétrer dans le petit jardin derrière la Cité Universitaire, admirer la verdure née des dernières pluies, s'étonner de voir que d'anciens partenaires de tennis continuent de pratiquer et s'interroger: le temps ne se mesure-t-il pas de la même manière pour tous? Déboucher sur l'Avenue Addoustour, nouvellement baptisée Imam Malik, depuis que celle qui portait ce nom est devenue avenue Mohamed VI.

Longer les remparts du Palais Royal, jeter un coup d'oeil à l'intérieur par les portes, sans entrer, puisque l'accès est interdit depuis les attentats de mai 2003. Traverser prudemment (aucune signalisation pour piétons) devant la Porte des Zaers et admirer le Chellah. Une merveille isolée au flanc de la colline au bord du Bouregreg. S'étonner devant le nombre de cars de touristes dans le parking. N'ont-ils pas été informés de la crise et de la chute des indices Nikkei et Nasdaq?
Passer devant le bâtiment des Affaires Etrangères, se souvenir que sa plus belle salle porte le nom de celui qui a été le premier ministre des affaires étrangères à l'indépendance. Sur la gauche le bunker, depuis les attentats, sur la droite la rivière qui continue sa course vers l'océan au milieu des travaux gigantesques dont tout le monde espère le succès sans ignorer les risques.
Traverser encore plus prudemment le carrefour et se diriger vers Hassan. La rivière est toujours à droite, mais à gauche se dressent le mausolée Mohamed V, puis la tour, impériale,  majestueuse...Flaner dans le parc rénové à l'occasion du cinquantenaire de l'indépendance avant d'emprunter les marches qui descendent vers les berges de la rivière, si soigneusement aménagées. Marcher le long du Bouregreg, sans faire attention au bruit des pelleteuses et en regardant en face la Kasbah des Oudaya (Ouday en amazigh signifie juif) point de chute des réfugiés andalous musulmans du 15ème siècle.
Traverser l'avenue pour pénétrer dans la médina, rue des consuls, en admirant les objets d'artisanat sans cesse améliorés. Une boisson fraiche après une heure passée de marche? Pas moyen, le matin, les réfrigérateurs ne fonctionnenet pas encore...Passons.
Un petit détour par Laalou puis Chouhada. Se recueillir quelques instants en pensant à toutes les choses qu'on aurait pu encore se dire...
Entamer le retour en passant devant la mosquée Obera, oeuvre discrète des Andalous chassés d'Espagne en 1609 et rénovée depuis; puis prendre l'avenue Legza- Mohamed V en ligne droite. Se souvenir de l'état de décrépitude dans lequel se trouvait cette partie de la ville et se réjouir des aménagements piétonniers tout en regrettant les détritus et le désordre dans l'affectation des magasins.
Passer sous les arcades de ce qui a été pendant de nombreuses années la principale avenue de la capitale, réaménagée depuis quelques temps, mais déjà des signes de fatigue se font jour. Les beaux bâtiments, la Poste, la Banque, la Gare en rénovation, au loin à gauche l'imposante cathédrale, en face la Mosquée Assounna...
Les deux heures se sont écoulées. Après l'effort : la Pause Gourmet. Une crêperie, située juste en face de l'hôtel Terminus, qui fait des crêpes authentiques à des prix raisonnables et dans un cadre tranquille et convivial.

Mortada, Erraji, Belassal…

Un facebooker, un blogger, un tagger, tous trois jeunes et peut-être insuffisamment mûrs, mais trompés lourdement par les apparences. Les facilités d’expression et de communication offertes par les nouvelles technologies ne permettent pas aux jeunes d’aujourd’hui de mesurer les marges de liberté à leur juste de mesure.

Pris dans le piège, nos jeunes rêveurs sont aussi victimes du décalage entre la culture contemporaine et celle de ceux qui les attrapent et les jugent.

La blogosphère marocaine se remobilise une nouvelle fois. Que d’articles, que de groupes de soutien, que d’actes de solidarité… Jusqu’à ce que, peut-être, une fois de plus, les autorités supérieures, censées être défendues par ceux qui jugent et emprisonnent, fassent le geste de la grâce et de la remise des pendules à l’heure… Mais jusqu’à quand ?

En attendant, et pendant ce temps-là, les catégories sociales les plus défavorisées souffrent chaque jour de l’injustice réelle (allez voir qui remplit nos tribunaux), de l’inéquité qui touche les biens, les ressources, la vie quotidienne…Sans qu’aucune réforme, pourtant maintes fois annoncée, ne vienne arrêter les dégâts. 

En attendant la réforme de la justice, ceux qui ne respectent pas les engagements pris devant le roi, qui n’appliquent pas les discours du roi, qui dilapident l’argent public dans l’opacité, et qui donc nuisent de manière autrement plus grave au roi et à la nation, continuent d’agir à leur guise en toute impunité…

La blogosphère marocaine (et les autres médias d'ailleurs) ferait bien d’élargir son spectre et de mobiliser aussi sur les sujets qui touchent la racine du mal et pas seulement sur ses symptômes…

jeudi 23 octobre 2008

A propos du budget de l'eau pour 2009

Publié sur "La Vie Eco" du 31 10 08

Le ministre des finances a présenté ce mercredi devant la Chambre des Députés le projet de loi de finances pour l’année 2009. Comme chacun sait, cet événement est fondamental dans tout pays qui se veut démocratique, avec tout ce que cela signifie comme valeurs de transparence, de dialogue et de responsabilité. L’allocation des ressources budgétaires nationales est, sur le plan de la forme comme du fonds, l’exercice politique le plus révélateur des orientations que prend un gouvernement et de l’intérêt qu’il accorde aux institutions. 

Au sujet de la question de l’eau, vitale pour le Maroc, comme tout le monde sait, même sous le climat pluvieux que nous connaissons en cette période, l’introduction de la note de présentation du ministère des finances, annonce que (p.16) : « la stratégie nationale dans le secteur de l’eau qui constitue une ressource rare et mal répartie géographiquement face à une demande croissante poursuit plusieurs objectifs… »

On croit donc que le gouvernement s’est doté d’une stratégie qui s’est déclinée en actions et mesures que nous retrouverions dans cette loi de finances.

Non, ce n’est pas si simple, puisque, quelques lignes plus loin, on apprend que (p.17) : « une actualisation de la politique de l’eau est en cours de mise au point à la lumière des conclusions de l’étude financée par le Fonds Hassan II pour le Développement Economique et Social dans le cadre de la Convention signée le 8 Novembre 2007 sous la Présidence de Sa Majesté le Roi en vue d’une gestion plus rationnelle de la demande, de l’accroissement de la production et d’une plus grande prise en compte des facteurs environnementaux. » 

Donc nous devrions attendre les conclusions d’une étude qui éclairera une actualisation de la politique de l’eau, dont le premier objectif cité est la gestion rationnelle de la demande. 

Mais en attendant cette stratégie, peut-être qu’il y a un Plan National qui pourrait guider les responsables qui identifient les projets à financer et déterminent les budgets ? 

Malheureusement non, puisque  le document de présentation du projet de loi de finances 2009 rappelle que (p.125) : « Ledit plan est actuellement finalisé et sera soumis, pour approbation, à la prochaine session du Conseil Supérieur de l’Eau et du Climat » ! 

Par conséquent, puisqu’il n’y a pas de stratégie, ni de Plan national, que fait-on pour définir le budget pour le secteur de l’eau ? 

La réponse est donnée dans cette même note de présentation (p.17). Toutes les interrogations sont balayées et l’on apprend que : « les objectifs concrets de la politique de l’eau consistent principalement à assurer la mobilisation des ressources disponibles par la poursuite des programmes de construction des barrages ». 

Voilà les choses sont maintenant plus claires. Bien sûr il y a d’autres objectifs, comme celui qui figurait en priorité de l’étude en préparation, mais ce qui retient l’attention c’est surtout la construction des barrages, dont la liste est donnée avec précision (p.127) :

-        Le barrage Sidi Abdellah dans la province de Taroudant d’un coût de 440 MDH,

-        Le barrage Hilala dans la province de Chtouka Ait Baha coût estimé à 230 MDH ;

-        Le barrage Guenfouda dans la Wilaya d’Oujda, d’un coût évalué à 200 MDH,

-        Le barrage Tiouine dans la province d’Ourzazate dont le coût s’élève à 550 MDH ;

-        Le barrage Dar Khrofa dans la province de Larache dont le coût est évalué à 715 MDH.

Mais alors puisque la stratégie n’est pas encore prête et que le Plan National est en cours de préparation, on peut tout de même se poser des questions qui ont prévalu au moment de l'allocation de plus de 2 milliards de Dh du budget national, du genre :

Comment ont été choisis les sites pour abriter ces barrages ?

Quelles concertations et avec quels partenaires ont eu lieu avant cette sélection ?

Pourquoi cinq barrages et pas un seul, ou même dix ?

Les autres ministères ont-ils été associés pour qu'ils prévoient les aménagements et investissements nécessaires à l'atteinte des objectifs (notamment l'irrigation) assignés aux barrages?

Des études d'impact sur l'environnement ont-elles été réalisées?

En fait, les réponses à ces questions et à d’autres plus fondamentales devaient figurer dans la stratégie que le Département en charge de l’eau s’est engagé devant le roi à présenter dans un délai de quelques mois, il y a maintenant presque une année.

En effet, le 8 novembre 2007, une dépêche de la MAP nous apprenait que : « SM le Roi Mohammed VI a présidé, mercredi au Palais Royal de Casablanca, la cérémonie de signature d'une convention relative au financement par le Fonds Hassan II pour le Développement économique et social d'un programme d'appui aux réformes structurelles dans les secteurs de l'agriculture, l'éducation nationale et l'enseignement supérieur, l'eau, l'énergie et la formation professionnelle. »

La même dépêche donnait des précisions sur les montants alloués à chaque secteur : « Aux termes de cette convention, le Fonds Hassan II s'engage à consacrer une enveloppe globale de 100 millions de DH pour financer l'élaboration de plans d'action opérationnels par les départements ministériels en charge des secteurs suivants : l'agriculture (25 millions de DH), l'éducation nationale et l'enseignement supérieur (25 millions de DH), de l'énergie (20 millions de DH), l'eau (20 millions de DH) et la formation professionnelle (10 millions de DH). »

L’objectif assigné, en particulier dans le secteur de l’eau, était clairement indiqué : « ce programme d'appui permettra l'élaboration d'un plan stratégique pour la réforme des secteurs vitaux de l'énergie et de l'eau, à travers le développement des ressources alternatives, la gestion rationnelle de la demande, l'augmentation de la production et une meilleure prise en compte des facteurs environnementaux. »

Conformément à cet engagement, forts de l’appui royal et du soutien financier dégagé par le Fonds Hassan II, les différents ministères se sont mis au travail. Et c’est ainsi que le « Plan Maroc Vert » a été présenté le 25 avril 2008 à Meknès, que la « première phase de l'étude stratégique du secteur énergétique, composante électrique » a été présentée le 16 avril 2008 à Rabat, que le « plan d’urgence dans le domaine de la formation professionnelle » a été présenté à Nador le 14 Juillet 2008 et que le « programme d’urgence de l’éducation nationale 2009-2012 » a été présenté le 12 septembre 2008 à Rabat. 

Mais où est donc passé le volet Eau et sa « réforme structurelle », selon les termes utilisés dans la Convention signée devant le Roi en novembre 2007 ? 

Comment expliquer ce retard ? 

En réalité, ce manquement à un engagement solennel et dans un domaine aussi important pour le pays n’est pas la première défaillance institutionnelle que connaît ce secteur.

En juin 2001, le Roi s’adressait au Conseil Supérieur de l’Eau et du Climat, réuni à Agadir, en ces termes : « Nous invitons Notre gouvernement à diligenter les mesures nécessaires pour la mise en œuvre intégrale des dispositions de cette loi et à mettre au point une méthodologie de travail rigoureuse qui permette à votre Conseil d’affirmer en permanence sa présence pour tout ce qui concerne la politique de l’eau. Notre volonté, en effet, est que ce Conseil soit l’espace idoine pour discuter et débattre de cette politique. » 

Et le Roi d’expliquer cette nécessité de débat : « La problématique de la gestion de l’eau est si complexe et a de telles ramifications qu’elle ne peut se prêter à un traitement purement technique, pas plus qu’elle ne peut être évacuée moyennant de simples aménagements partiels ou ponctuels. » 

Mais, le Roi ne se limite pas à la forme. Il va plus loin et précise ce qui est attendu des parties prenantes : « Partant, Nous attendons de vous que vous donniez une illustration concrète de cette démarche au cours de votre prochain conseil, et plus précisément lors de l’examen du projet de Plan national de développement des ressources en eau, qui est en cours d’élaboration. Notre vœu, en effet, est que ce plan fixe une stratégie nationale propre à assurer le développement des ressources hydrauliques à l’horizon 2030 et permette de prendre la décision politique idoine sur la base d’une répartition rationnelle de cette richesse, écartant les risques de contentieux de monopole et de gaspillage. » 

En 2001, il était déjà question de Plan national en cours d’élaboration. Plus de sept années plus tard, la note de présentation du budget de 2009 évoque ce Plan dans les mêmes termes ! 

En 2001, il était question de réunir régulièrement le Conseil Supérieur de l’Eau et du Climat. Il ne s’est jamais réuni depuis cette date ! 

Evidemment l’actuel gouvernement n’est pas seul responsable de cette panne institutionnelle. Puisqu’il n’est là que depuis octobre 2007. 

Mais les gouvernements Youssoufi et Jettou, s’ils n’ont pas réuni le Conseil (à part en 2001), et s’ils n'ont pas accéléré l’élaboration du fameux Plan National, ils avaient tout de même institué un Comité interministériel de l’eau qui a traité de divers aspects de la question de l’eau de manière intégrée et conforme aux instruction royales. 

Ce Comité interministériel ne s’est jamais réuni depuis la mise en place de l’actuel gouvernement. 

Alors la question est incontournable : comment, où et par qui se décide la politique de l’eau au Maroc ? 

dimanche 19 octobre 2008

Tioute


Un dimanche d'octobre, sans soleil, par un temps ni froid ni chaud. Promenade tranquille dans le Maroc profond, en compagnie d'amis venus du Canada, de France et même de Salé. A seulement une heure de route d'Agadir, loin des tumultes urbains: l'air pur, les bonnes clémentines, les délicieux légumes, le Tagine et le couscous authentiques, le véritable thé à la menthe...

Petit village enraciné dans son oasis, sa belle palmeraie, qui survit à la désertification grâce à une source jusqu'ici intarissable. Pays d'origine d'un grand homme que j'ai le privilège de côtoyer.

Des menaces la guettent bien sûr, depuis que Tioute figure sur tous les guides touristiques. Ses besoins sont connus pour faire face à la menace. Une station d'épuration des eaux usées, par exemple, pour protéger les ressources en eau et, pourquoi pas, réutiliser ces eaux épurées, transformerait Tioute et toute la région. Les études existent. La mise en oeuvre dépendra de la mobilisation de tous ceux qui aiment, apprécient ce village séculaire et souhaitent la sauvegarde de sa palmeraie.

Citée par D. Jacques-Meunié, dans son livre fondamental "Le Maroc Saharien du XVIème Siècle à 1670", Librairie Klinckscieck, 1982, parmi les villes importantes du Souss aux XVIe et XVIIe siècles, p746:
"Tioute a plus de quatre mille feux (vingt mille habitants) et les gens y sont riches à cause de l'abondance de froment, d'orge et de légumes que produit la contrée; elle a aussi de grands plants de canne à sucre et de nombreux moulins. Les marchands accourent à Tioute de toutes parts: de Fès, de Marrakech et du Soudan, parce que le sucre y est très fin depuis qu'un juif renégat y a dressé des moulins à sucre avec l'aide des captifs chrétiens que le Chérif avait faits à Agadir (1541)."

Aujourd'hui pas de trace de canne à sucre, plus de moulins et beaucoup moins de feux. Ce sont les activités liées à l'Arganier qui s'y développent, en relation avec le tourisme, pour relancer peut-être une bourgade qui s'est laissée aller à la paresse, comme tant d'autres dans le pays.

Il y a trois ans, un journaliste du New York Times passait par là. Il a écrit un article qui, au-delà des erreurs qu'il comporta (rattrapées par la rédaction), indique bien la tendance et fait tout de même connaître la région à un public large et averti.

jeudi 16 octobre 2008

Triste PAM

J'ai regardé mardi soir sur notre télé nationale, numéro un dans le PAM, Paysage Audiovisuel Marocain, l'émission Hiwar consacrée au Secrétaire Général du PAM (Parti Assala oua Mouassara).

J'ai fait un effort bien sûr pour supporter l'épreuve. D'abord, l'ambiance sur le plateau. Ces applaudissements, ces têtes venues de tous horizons, qui se permettent sourires et apartés, qui se bougent dans tous les sens pour rester dans le champ de la caméra. On se demande pourquoi ce rassemblement. Est-ce pour soutenir la vedette du soir, par curiosité ou par devoir?

Comment par exemple le ministre des finances, en pleine période de présentation et d'affinement de la loi de finances, en pleine bourrasque financière mondiale, se permet-il une inactivité visible pendant tant d'heures, loin de ses bureaux et de ses dossiers? Cette situation est-elle imaginable dans d’autres pays ?

Ensuite, comment ignorer ce présentateur qui, malgré ses revirements, ne m'inspire aucune confiance, et qui continue à me rappeler tellement de mauvais  souvenirs. Et ces journalistes et cet expert qui ne viennent pas pour poser des questions mais pour passer des positions, et se montrer.

J'ai supporté tout cela, et le retard sur l'horaire prévu, sans excuse ni justification, pour écouter et voir le leader de ce nouveau parti PAM (le Parti de l’Authenticité et de la Modernité), censé apporter la crédibilité et le sérieux dans notre paysage politique.

Je suis de ceux qui pensent que tout citoyen a le droit de fonder son parti, même un ami du roi. Je ne suis pas de ceux qui jettent l’anathème sur l’initiative prise par les membres de ce nouveau parti. Je voulais juste en savoir plus sur ce parti. Je voulais juste quelques débuts de réponses. Réhabiliter le politique, d’accord, mais comment ? Diffuser les valeurs de citoyenneté, excellent, mais comment ? Mobiliser toutes les énergies, très bien, mais comment ? Améliorer la gouvernance locale, soit, mais avec qui ? Ecarter la religion de la politique, formidable, mais par quels moyens ? 

Au lieu de réponses même embryonnaires à ces interrogations pressantes, urgentes, incontournables, le téléspectateur n’a eu droit qu’à un discours identique à celui que tiendrait n’importe quel autre politicien marocain de notre champ politique dévasté. 

Le téléspectateur assoiffé de réponses concrètes a eu droit à un dirigeant qui ne trouve ses références que dans le passé, un vieux syndicaliste sans réalisations, un ancien gauchiste sans performances notables. Cet ancien censeur de Allal el Fassi et admirateur de Mahjoub Ben Seddik, lui-même recordman mondial de leadership « syndical », n’a pas pu trouver les mots pour parler d’avenir, ni d’ailleurs sur le présent, pourtant questionné par les crises et les conflits. 

Ses messages bien appris, ses entourloupes marrakchies bien assumées, au lieu d’apporter des réponses, M. Benaddi est venu, en mission, à la télé, confirmer les soupçons d’inutilité de ce mouvement, de ce parti qui n’ajoute rien. Un parti qui accepte le nomadisme au Parlement (voir ici chronique de ALM, pour rire), qui accepte de faire avec le personnel politique hérité du passé, qui marie la carpe et le lapin… 

Franchement avec le PAM, il n’y a pas de quoi se pâmer ! Le PAMB a encore de beaux jours devant lui !

lundi 13 octobre 2008

Merci qui? Gordon, bien sûr!

Soulagement...Les mines des responsables financiers retrouvent leur expression des grands jours.

L’Etat est arrivé, apportant ses garanties, les marchés se redressent et les bourses redécollent.

Mais qui a donc trouvé la parade ? Certainement pas l’administration Bush qui avec ses 700 milliards de $ n’avait pas réussi à arrêter les chutes. 

Ce matin sur un ton solennel, Sarkozy déclarait : « La confiance doit être rétablie au plus vite…Dans les circonstances actuelles, seuls les Etats et les banques centrales ont les moyens d’agir pour y parvenir. » Avant d’annoncer le détail du plan, coordonné avec les autres puissances européennes et résumé comme suit : « L’engagement de l’Etat est considérable, de l’ordre de 360 milliards d’euros au total. Si on tient compte des différences de PNB, il est comparable à celui de l’Allemagne (400 milliards d’euros pour la garantie interbancaire et 80 milliards d’euros pour la recapitalisation) et du Royaume-Uni (318 milliards d’euros pour la garantie interbancaire et 64 milliards d’euros pour la recapitalisation). »

Répondant à une question de journaliste, il concluait : « Je veux refonder le capitalisme ! »

Commentant cette intervention de l’Etat dans l’économie de marché, l’économiste Elie Cohen du CNRS, déclare au Nouvelobs : « Ce plan reste une formidable avancée. Pour la première fois, les pays européens se sont réunis autour d'un leadership en la personne de Gordon Brown qui est à l'initiative de ce plan de sauvetage. Pour une fois, les politiques comprennent la crise et interviennent. D'ailleurs, il est très important de souligner que l'homme de la situation n'a été ni George W. Bush, ni Nicolas Sarkozy mais Gordon Brown.» 

On en apprend des choses !

Au même moment le Prix Nobel de l’économie est attribué à Paul Krugman, économiste américain connu pour être critique à l’égard de la politique de Bush. Chroniqueur au New York Times, il avait signé le matin même un article intitulé « Gordon a bien fait ! ». 

Dans cet article, on peut lire : « What we do know is that Mr. Brown has defined the character of the worldwide rescue effort, with other wealthy nations playing catch-up. The Brown government has shown itself willing to think clearly about the financial crisis, and act quickly on its conclusions. And this combination of clarity and decisiveness hasn’t been matched by any other Western government, least of all our own.”

Avant de conclure: “Luckily for the world economy, however, Gordon Brown and his officials are making sense. And they may have shown us the way through this crisis.”

dimanche 12 octobre 2008

Crise et chuchotements

Par une belle matinée, dans un café sur la corniche de la plage d'Agadir, le client demande au serveur:
-Comment vont les affaires?
-Pas terrible, répond-il, les marocains viennent moins qu'il y a quelque temps..
-Ah oui, c'est normal, c'est la crise mondiale.
-Mondiale? S'étonne le serveur. Non, la crise est chez nous. Tout cela est comédie. Ils (les puissants, sans doute) retrouveront bien le chemin de la prospérité.
Et il poursuit en chuchotant :
-Ils ont de quoi construire plusieurs Maroc...

Rien de scientifique dans ce jugement, bien sûr. Qui visiblement ne tient pas compte des chiffres tranquillisants qu'on ne cesse de publier sur la bonne santé de l'économie nationale.
Mais cette opinion est largement partagée chez nous. Une opinion fondée sur un raisonnement tout simple: "des gens, comme eux, dans les pays riches, aussi travailleurs, aussi intelligents, aussi bien organisés, ne peuvent que s'en sortir. Des gens, comme nous, aussi fainéants, aussi peu inventifs et mal organisés, ne peuvent que s'enfoncer."

La crise, en fait, se réduirait à une stratégie élaborée par les puissants pour rénover leurs outils, renouveler leur puissance. En somme: reculer pour mieux sauter...
Est-ce seulement l'expression du dépit, l'aveu d'impuissance de citoyens désabusés?

La crise financière que connaissent les pays industrialisés, depuis quelques mois, est de toute manière porteuse d'instructions, comme en témoigne le débat qu'elle provoque.

Jamais, les dirigeants politiques des pays riches n'ont autant communiqué, ne se sont autant réunis, comme par souci de reprendre le dessus, de prendre leur revanche, de démontrer leur utilité.
Jamais les articles de presse et les débats télévisés, décortiquant la société et l'économie, n'ont autant proliféré.

Dans ce maelström de news, de décisions, de communiqué, d'articles, d'analyses, comment s'y retrouver, garder ses repères?

La crise actuelle coïncide avec le passage de témoin à la Maison Blanche. Si par le passé le système institutionnel américain était tellement robuste que n'importe qui pouvait en prendre la direction, aujourd'hui, le leadership (qui ne se limite pas au président) doit revenir à la compétence et à l'ingéniosité.
Les thèmes les plus en vue de la campagne présidentielle américaine révèlent les domaines dans lesquels les changements pourraient intervenir.
L'économie, le marché financier, le pétrole, l'énergie, les guerres au Moyen Orient, sont des dossiers étroitement liés les uns aux autres.

Dans un article au Newseek, Fukuyama, inventeur du choc des civilisations, parle de chute de la Compagnie Amérique, en expliquant ce qui se passe par la fin du modèle Reaganien, construit depuis plus de deux décennies, sur deux principes : l'autonomie des marchés (très peu d'État dans l'économie) et la promotion de la démocratie (même par la force). Dans ces deux domaines, les retombées ne sont pas que positives. Loin de là. Pour éviter la chute, la marque Amérique a donc besoin de renouveau.

Les stratèges du futur président américain, qui n'ignorent pas que dans l'histoire des Nations la décadence résulte souvent de l'épuisement par les guerres, sauront conseiller l'arrêt des conflits qui coûtent plus qu'ils ne rapportent. En particulier au Moyen-Orient, en minimisant la dépendance au pétrole de cette région et en s'assurant d'autres sources d'énergie qui permettent du même coup de combattre le changement climatique, source de menaces avérées.
McCain n'avait-il pas dit que "les Etats-Unis devraient cesser de payer 700 milliards de $ par an pour acheter du pétrole à des pays qui ne nous aiment pas"? Une idée que la majorité des décideurs américains partage sans réserve.

Si le moteur des mandats de G.W. Bush carburait au pétrole et privilégiait l'explosion, il y a fort à parier que son successeur ne pourra pas rester indifférent aux voix qui revendiquent une autre direction.

Les investisseurs financiers ne s'y trompent pas en misant déjà fortement sur les nouvelles technologies liées aux énergies renouvelables, comme cela est décrit dans cet article du NY Times. Tandis que les analystes les plus influents décrivent déjà les contours de ce qui devrait être l'issue verte à la crise actuelle, comme par exemple dans cette vidéo d'une émission de l'ABC avec Thomas Friedman.

Profiter de cette crise pour réhabiliter le politique, asseoir son indépendance énergétique, développer de nouvelles technologies, renforcer son leadership mondial et en même temps redorer son blason, pourrait donc constituer l'agenda de la nouvelle marque Amérique.

Le serveur de la corniche d'Agadir ne s'y serait donc pas trompé. La crise serait chez nous plus que chez les autres!

vendredi 10 octobre 2008

Zrihan

En ce jour d'ouverture du Parlement, tellement de choses à dire. Elles ne seront pas dites. Pas pour le moment. La crise financière mondiale? Elle ne nous concerne pas. Ou alors, il ne faut pas en parler pour ne pas en rajouter, ne pas effrayer la population déjà assommée par le mois de ramadan et la rentrée scolaire et qui s'interroge déjà sur le mouton...
Oublions tout cela pour le moment.
Ecoutons cette voix. Forte, belle, limpide, ...Laissons-nous nous transporter vers le plaisir que recèle ce patrimoine. Un patrimoine qui aurait du être plus fort que les conflits, un facteur de tolérance pour progresser ensemble.

vendredi 3 octobre 2008

Imintanout

Les pluies diluviennes qu'a connues cette bourgade, rongée par l'habitat anarchique, lobée dans le flanc de l'Atlas, sur l'axe Agadir Marrakech, ont fait des dégâts énormes. Deux morts, des disparus et aussi, logements détruits, voitures et marchandises emportées... Un bilan somme toute naturelle dans ce genre de catastrophe dont personne ne peut prévoir l'ampleur, puisque même la plus grande puissance de ce monde se fait encore surprendre.

Mais ce qui est moins naturel c'est le choix qui a été fait par les autorités. D'accord c'est jour de fête, les ressources et moyens sont à l'arrêt, d'accord c'est la route Marrakech Agadir, vitale pour l'économie marocaine puisqu'elle relie les deux villes les plus touristiques du pays et que par elle passe la majorité des produits à l'export, sans parler des voyageurs et marchandises nationaux. Mais le choix qui a été fait, devant l'urgence, de mettre le paquet uniquement pour l'ouverture de la route à la circulation, a semblé injuste aux yeux de la population locale.
Résultat: rassemblements, protestations, marches, sollicitations des responsables et, finalement, la décision de barrer la route a été prise et exécutée. A partir de 11h du matin jusque tard dans la soirée, des centaines de personnes se sont mises en travers de cet axe vital et plus aucun véhicule ne pouvait passer. Voitures, autocars, camions étaient bloqués sans information, sans itinéraire alternatif...
La loi de la foule en colère s'est imposée à tous, même aux gendarmes qui attendaient les ordres, qui ne venaient pas.
"-Mais pourquoi donc vous laissez encore passer les véhicules partant d'Agadir ou de Marrakech sans les avertir?
-Bien sûr que nous les avertissons!
-Et alors pourquoi il y en a encore qui viennent?
-On leur dit, on leur répète, mais ils ne nous font pas confiance!"

Le mot est lâché. Confiance. Entre les autorités et les populations, la confiance manque.
Avec le choix qui a été fait de se contenter de réouvrir la route sans s'occuper de l'adduction d'eau potable, ni d'apporter les secours indispensables et minimaux aux sinistrés, la confiance n'est pas près de revenir...