dimanche 31 août 2008

Personnel

Ce blog a perdu un lecteur assidu. Un lecteur qui ne laissait pas de commentaire écrit. Il préférait les faire oralement. Il avait une grande passion: son pays, le Maroc. Il l'aimait. Il aimait le Maroc, sa poussière, son air, ses gens, son climat, ses routes, ...Tout. Mais il n'y vivait pas. Il a fait partie de ces compétences marocaines qui servent de loin. Mais de loin seulement. Il n'acceptait pas l'injustice, les écarts sociaux, les tracasseries, tous ces maux qui rongent encore un pays en mouvement. Non ce n'était pas par égoïsme. Ce n'était pas parce que la vie en France lui était plus confortable. Non, puisque cela lui coûtait. Il souffrait davantage que ceux restés au bled. Contribuer au changement? Oui, il a fait ce qu'il a pu. Il militait à sa manière. Il s'était déplacé, il y a un an pour participer à la victoire aux élections législatives. Il a assisté, attristé, à la débâcle.
Souvent il était mieux informé que nous tous. Il suivait l'actualité, à chaque instant. Il cherchait à déceler la direction des choses. Il voulait obstinèment que cette transition mène à la stabilité, le progrès et le développement pour tous.
C'était mon frère, Abderrahman. Parti à l'âge de 52 ans...
Qu'il repose en paix!

mardi 19 août 2008

Mohamed Baniyahia n'est plus

Triste nouvelle ce matin. J'ai connu le défunt en de nombreuses circonstances, au Maroc et à l'étranger.
Je vois encore son visage souriant en toute situation, et je l'entends encore argumenter patiemment sans laisser indifférent.
La dernière fois que je l'ai vu, c'était le samedi 28 juin 2008. Je prenais un café non loin du lycée de mon fils en attendant les résultats du baccalauréat. Il est rentré et s'est mis à ma table. Il attendait, m'a-t-il dit les résultats d'examens médicaux. J'étais loin de savoir que ces résultats ne pouvaient pas être bons et qu'il n'avait plus que sept semaines à vivre.
Nous avons discuté du Congrès du parti qui venait de "s'achever" et dont il présidait la commissioin préparatoire.
Nous avons partagé nos déceptions, notre tristesse sur le sort du parti et échangé sur nos divergences.
Mais qui y pouvait encore quelques chose?

Adieu Baniyahia...

dimanche 17 août 2008

5l. 123p.

Voilà, l'ami Maestro Amadeus me fait entrer dans ce jeu amusant où il faut copier la cinquième phrase de la 123ème page du livre qu'on lit.

Il s'agit de l'excellent roman "Je m'en vais" de Jean Echenoz, paru en 1999 aux Editions de Minuit.

Et voici la phrase et les suivantes:

"Magnifique, réitère-t-elle avec fougue, et vous avez trouvé? Je crois que j'ai quelques petits objets, dit prudemment Ferrer, mais il faut encore voir, je n'ai pas d'estimation précise. J'aimerais bien voir tout ça, dit Martine Delahaye, vous les exposez quand?"

samedi 16 août 2008

Kiya parmi d'autres...

Nous l'appelerons Kiya. Une femme robuste et plutôt entêtée. Elle habite dans une agglomération anarchique dans la périphérie d'une grande ville. Elle vit avec sa mère depuis qu'elle est entrée en négociation de divorce d'avec son mari. Sa mère lui garde sa fille lorsqu'elle travaille à faire le ménage pour s'assurer quelques revenus depuis qu'elle a quitté son mari. En contrepratie, elle reverse une part de ces revenus à sa mère et lui fait même quelques gentillesses supplémentaires, du genre lui tailler une djellaba. Mais la mère demande toujours plus. Elle profite à fond de la situation de sa fille. Les temps sont ainsi. Ils ne sont plus comme ils étaient dans le passé. Il faut s'accommoder.
L'histoire de Kiya est toute simple et de plus en plus courante dans les milieux défavorisés. Elle a épousé un homme, sans savoir vraiment pourquoi. Ce n'était ni un mariage d'amour ni un mariage de raison. C'est plutôt la mise ensemble de deux personnes de sexe opposé pour faire comme tout le monde. Parce qu'il n'est pas bon rester seul. Parce que les deux familles respectives s'acquittent ainsi d'une mission naturelle. Dans ce couple, il n'y a ni respect, ni estime, ni partage, ni vie commune. Chacun se débrouille le jour et le soir, dans l'exiguité et sans vraiment de confiance, des contacts intimes peuvent se produire. Dans une de ces nuits de soumission, l'enfant de Kiya a été conçu.
Mais avoir un enfant ne renforce pas vraiment les liens du couple. Le père ne se sent obligé par aucun devoir. L'enfant est d'abord le travail de la mère qui doit subvenir à tous les besoins. Le mari de Kiya avait bien un travail. Mais il n'en parlait jamais. Il avait bien un salaire. Mais Kiya n'avait pas le droit d'en connaître le montant. Il avait de l'argent mais Kiya ne savait pas en quoi le dépensait-il. De temps à autre, il lui laissait dans la chambre, quelques billets. Dans ce couple on ne parlait pas. On agissait par gestes convenus. Kiya récupérait les billets, faisaient quelques courses et parvenait à subvenir aux besoins de l'enfant. Il en a été ainsi durant quelques semaines. Jusqu'au jour où le mari a décidé de ne plus rien donner. Il rentrait de plus en plus tard. Il sentait l'alcool. Il parlait encore moins. La situation devenait intenable pour Kiya. Elle ne vivait, avec son enfant, que grâce à ce qu'elle pouvait obtenir des voisins ou des quelques connaissances qu'elle avait dans cette agglomération où la pauvreté était courante. Elle a décidé d'en parler avec son mari qui consent à lui répondre. Il ne percevait plus de salaire. Son employeur, dit-il, refusait de payer ses salariés. Il n'avait donc plus rien à lui donner. Kiya accepta son sort et fit de son mieux pour subvenir à ses besoins et à ceux de son enfant.
Un soir, rentrant de chez une de ses connaissances, elle aperçoit dans la pénombre, dans une voiture, son mari en compagnie d'une femme, des cannettes de bière à la main. Elle n'y pense pas à deux fois. Elle s'abaisse ramasser un tas de cailloux, s'approche de la voiture du coupable. Kiya n'écoute que sa rage et son désespoir et se met à lapider Satan. Les cailloux fusent au milieu des insultes que puisait Kiya dans son répertoire assez fourni. Des passants interviennent assez rapidement avant que l'irréparable ne fut commis. Le mari et sa campagne s'en sortent bien avec seulement quelques égratignures sur le visage.
Kiya rentre chez elle, prend le peu de bagages qu'elle possédait, passe récupérer son enfant confié à une voisine et part chez sa mère. Depuis ce soir là, Kiya fait des ménages, reverse une part de ses revenus à sa mère qui lui garde son enfant et passe tout le temps qu'elle peut voler dans les couloirs du tribunal à la recherche de la justice.

mardi 12 août 2008

Ce Maroc

Dans le hall imposant de Bank Al Maghrib, silence et respect régnent. Il faut dire que l'architecture moderne et la décoration sombre des lieux n'invitent guère à la dissipation. Des affichettes, nombreuses sont collées aux murs pour signifier l'interdiction, appremment stricte et respectée d'utiliser les téléphones portables.
Peu de clients, mais beaucoup d'employés s'agitent. Les hommes sont impeccablement cravatés et les femmes, toutes sans exception, fermement voilées. Un étranger pénètre dans le hall et cherche le guichet du change. Il consulte le tableau des taux et, renseignement pris, il décide de quitter. Tout d'un coup, une voix s'élève et rompt le silence ambiant. Une phrase lapidaire est prononcée par un des guichetiers, impeccablement cravaté. Il s'adressait sous forme interrogative à l'agent près duquel passait l'étranger: "Chouf maa dak el gaouri ila endou chi bent n'tnasbou maah!"...
C'est quoi ça? Plaisanterie? Moquerie? Ironie? Ennui? Rébellion? Recherche désespérée? Une habitude? Une exception?
En tout cas, le temps d'une seconde, une agence de la vénérable Bank Al Maghrib s'est transformée en asile.
Personne ne réagit, bien entendu. L'interpellation n'aura pas de suite. On ne saura pas si l'étranger a une fille à marier. On ne saura pas non plus si le guichetier recommencera sa quête dès l'apparition d'un nouveau client étranger dans le hall de Bank Al Maghrib.

Cette scène, réelle, fait partie des scènes qui illustrent le Maroc des contradictions d'aujourd'hui. Ce Maroc où le strict cohabite avec l'insensé, le moderne avec l'attardé, l'efficient avec le roublard...

Mais le Maroc c'est aussi le pays des larmes versées sur des visages déçues par un départ, le regard plein de reconnaissance...

Ce Maroc reconnaîtra les siens.