mardi 8 janvier 2008

Une vitrine qui en dit long




C'est la photo d'une vitrine tout à fait quelconque dans le paysage urbain marocain, qui ne choque pas, qui n'attire plus aucun commentaire. Et pourtant, cette vitrine, ou plutôt ce qu'elle expose, est révélatrice de la situation intellectuelle dans laquelle se trouve notre pays, comme l'ensemble des pays arabes. Cette vitrine d'un buraliste, en plein quartier chic de la capitale, reflète l'état dans lequel se trouvent notre production et nos goûts "littéraires". Le passé, l'irrationnel, la religion comme moyens uniques d'expliquer et comprendre le présent et le futur...
Si victoire il y a de l'intégrisme, elle n'est pas seulement matérialisée par l'annulation du Rallye Dakar ou par le procès de Ksar el Kébir. Elle n'est pas seulement reflétée par le nombre d'attentats et de victimes revendiqués par les fanatiques. Cette montée de l'intégrisme est intimement liée à la crise intellectuelle que traverse notre région arabo-musulmane. Elle s'en nourrit et elle l'alimente en même temps.

Le classement du Maroc dans le rapport 2007 sur le développement humain est certes inquiétant sur le plan national. Il doit pousser tous les responsables à revoir leurs stratégies dans le sens d'une plus grande prise en compte de l'être humain, pour sa formation, son autonomie dans la société. Mais ce travail lorsqu'il sera réellement pris au sérieux, il devra aussi accorder tout l'intérêt à l'épanouissement et à l'émancipation de l'individu. Ce classement médiocre est aussi à placer dans son contexte, déjà décrit par le rapport 2004 sur le développement humain dans le monde arabe, et qui nous classait loin derrière les autres pays, en termes de livres produits ou traduits, de journaux vendus, ou de connexions à Internet et autres critères culturels.

Le développement, le progrès, la modernité, la confiance en l'avenir ne se mesurent pas en PIB (qui est très élevé dans l'ensemble arabe)... Une évidence qui faisait l'objet d'un échange qui a eu lieu en 1883, et qui reste d'actualité, entre Ernest Renan et Jamal Din Al Afghani sur les raisons du déclin du monde arabe. Malgré les excès du philosophe français soulignés par le réformiste musulman, tous les deux étaient déjà d'accord pour dire que l'essor philosophique et scientifique ne reprendra librement chez les peuples musulmans que s'ils se dégagent de l'emprise serrée de la religion.

Voici d'ailleurs ce que disait Al Afghani dans sa réponse à Renan: "toutes les fois que la religion aura le dessus, elle éliminera la philosophie"..."surtout si elle est servie par le despotisme"...

8 commentaires:

Mohamed El Kortbi a dit…

Le buraliste vend les livres demandés par la clientèle !

J'ai oublié! En fait, il y a quelques années, le ministre de la culture avait interdit la vente de ces livres dans le salon du livre !!!

Anonyme a dit…

1- cette vitrine est d'un buraliste en plein quartier (mais pas chic) de la capitale, je suis désolé!!!!!!!c'est le deuxième plein centre ville maintenant!!!
2- les propriétaires de ce buraliste sont des "fréros" certe mais je pense, ils ont le droit d'exposer des livres qui répondent à leur tendance mais qui ne sont pas interdits par la loi de notre pays: "Tafssir Al Jallalayne" est l'explication du Coran, "La Tahzen" est un livre qui a battu des records de vente au niveau international, je vous recommande au minimum de consulter le sommaire de ce livre en sortant de votre bureau.
3- Si par hasard vous entrez à cette librairie vous allez trouver tous les quotidiens de la place, les revues, magazines nationales et internationales(domaine: politique, sport, people!!!!!,voitures, shopping...)et même des bouquins francofones.

Conclusion: librairie (ou buraliste si vous voulez)standard ouverte à tous les goûts mais qui veut orienter les gens vers une certaine tendance soit par conviction soit pour attirer une certaine clientèle soit carrement pour vendre certains livres qui ne marchent pas et veut les exposer à la vitrine afin d'encourager les gens à les acheter.

Anonyme a dit…

@ Taha
Merci Taha de dire, d'une manière sublime, ce que nous n'avons pas eu les mots, ou le courage, nous autres marocains lambda de dire!
@ EKM
En continuant sur ce qui dit taha, je reprends une réflexion que j'avais faite : "Allah nous jugera, surtout sur notre sous-développement et notre improductivité intellectuelle." ( voir le texte en entier : http://moidanstousmesetats.blogspirit.com/archive/2007/08/16/la-place-de-la-philosophie.html )

Anonyme a dit…

Le but n'est évidemment pas d'incriminer le buraliste...Il est temps de trancher dans le débat engagé depuis des siècles sur les raisons du déclin, si on veut avancer... Al Afghani avait entamé la réflexion avec l'audace qui fait défaut aujourd'hui.

Anonyme a dit…

Désolante constatation.
Tout a fait d'accord avec ton analyse.

Mohamed El Kortbi a dit…

Mounir ...

Je t'invite à visiter le prochain salon du livre et tu verras qui lis dans ce pays ... tu seras surpris !

Puis, chacun est libre de lire ce qu'il souhaite. C'est une question de choix et de conviction.

Anonyme a dit…

Je ne me soumettrai jamais à la coutume du "les gens veulent ainsi", ce n'est pas parce qu'ils sont nombreux à dire tort qu'ils ont raison.

Mohamed El Kortbi a dit…

Mounir ... c'est la règle du marché ! on vend ce que les clients demandent !